
A l'origine, le terme “ niabingi ” renvoie à un culte du sud-ouest de l'Ouganda, pratiqué durant l'intersiècle (de 1880 à 1928). Les “ Bagirwa ” (les médiums niabingi) révéraient une princesse d'origine rwandaise ou ougandaise, ayant payée de sa vie sa résistance au colonialisme. A priori sans rapport avec l'éclosion du Rastafari en Jamaïque, un article paru dans le Jamaica Times du sept décembre 1935 allait faire le trait d'union. Tout en intégrant certains éléments véridiques à son “ papier ”, l'auteur, Frederico Philos, compose là une énorme mystification visant à discréditer l'empereur d'Ethiopie (Hailé Sélassie) et à légitimer du même coup l'invasion italienne. Le propagandiste pro-mussolinien titre son torchon Une société secrète pour détruire les blancs : “ Aujourd'hui c'est le péril noir qui obscurcit l'horizon européen... Hailé Sélassié est considéré comme un véritable Messie, le sauveur des gens de couleur, l'empereur du royaume nègre. Des sacrifices sanglants lui sont offerts. Il est leur dieu, mourir pour lui assure l'admission au paradis. ” Toujours selon Philos, le monarque abyssin serait à la tête d'une armée de quelque vingt millions de guerriers assoiffés de sang répondant au nom de “ Nya-Binghi ”, mot qui signifierait “ mort aux blancs ”. En marge des communautés d'Howell, de Hinds, de Hibbert ou de celle de Dunkley, certains rastafariens des quartiers défavorisés de Kingston se dénomment les “ Nyamen ”.
L'Ordre de Nyabinghi allait naitre...
“ Death to the white downpressors and to their Balck allies ”
D'autres légendes circulent sur l'empereur éthiopien qui aurait été secrètement élu chef de l'ordre de Nyabinghi à Moscou par les leaders de la cause noire... Le terme “ nyabinghi ” change sensiblement de sens : “ Death to white downpressors and their black allies ” (mort aux oppresseurs blancs et à leur alliés noirs).Que tous les “ visages pâles ” se rassurent toutefois : ces expressions telles que “ Blood and Fire ” ou “ Fire Burn ” recèlent plus une charge de menace symbolique qu'une réelle promesse génocidaire. L'Ordre de Nyabinghi (autrement connu sous le nom de l' “ Haile Selassie I Theocracy Government ”) se déclare “ non-violents, non-politiques, non-agressifs et non-partisans. ” En l'absence de toute structure organisationnelle, les Nyabinghi (ou “ Binghi ”, on trouve aussi la forme dérivée “ Iyabinghi ”) sont éparpillés dans les collines en plusieurs noyaux communautaires (nombreux sont les solitaires). En irréductibles, ils refusent toute compromission avec l'establishment et se voient ainsi régulièrement virés des terres qu'ils squattent. Cette mise à l'index permanente tient pour une large part à l'image de fanatiques belliqueux véhiculée par la désinformation médiatico-gouvernementale.
Rastafari Universal Convention
Le premier mars 1958, un elder rasta du nom de Prince Emmanuel Charles Edwards (qui deviendra par la suite l'îcone des Bobo Ashanti) convoque la première convention Nyabinghi : “ Rastafari Universal Convention ”. Celle-ci est censée être la première et la dernière préludant le retour en Afrique. Les rastafariens se réunissent à Back-O-Wall, au Coptic Theocratic Temple. Des milliers de Beardmen opèrent une “ capture ” de la ville. Le 23 mars, la police intervient et disperse les manifestants. Prince Emmanuel tentera de se faire reconnaitre comme demi-dieu par ses pairs, mais les Nyabinghi le désavouent. Si ils croient en l'avènement d'un royaume théocratique à la tête duquel trônerait Haïlé Sélassié, ils ne sont pas prêt à brader leur liberté si durement acquise en idolâtrant un des leurs.. En attendant le jour de la rédemption, ils resteront des anarchistes couronnés. La mouvance Nyabinghi est exempte de tout leadership : le respect est dû aux elders (une centaine : Ras Daniel, Congo Rock I, Bongo Time, Ras Pidow, Bongo Alan Blackwood...) qui se rassemblent parfois en conseil des sages (Rainbow Circle Room) sans qu'ils constituent pour autant un pouvoir gérontocratique.
Le libre-arbitre n'élude pas certains dogmes : les femmes doivent impérativement couvrir leur têtes et leur jambes ; les jeux de hasard sont bannis, les hommes doivent garder la barbe (Donald Manning des Abyssinians me confiait sur ce point : “ Un rasta ne doit jamais se raser les poil de la barbe, ce sont ses racines ”). Les aînés quant à eux se définissent comme les “ gardiens de la foi ” et les “ héritiers de l'Ordre de Melchisédek ” (personnage biblique mystérieux, le grand prêtre Melchisédek est roi de salem, sans commencement ni fin...). Chaque année les nyabinghi se retrouvent autour d'un tabernacle pour commémorer des dates mythiques : le 23 juillet ( naissance de Tafari), le 2 novembre (le sacre impérial)... Ces célébrations peuvent durer de trois à sept jours, durant lesquels les familles chantent, dansent, prient, fument, raisonnent autour d'un feu et font remonter les sons telluriques, souterrains de la surface de la terre jusqu'au ciel : ce sont les battements sourds et hypnotiques des percussions Nyabinghi
Rouben, Posté le mardi 10 mai 2016 14:28
Nice piece of information